LA POLITIQUE DES PETITS TAS

À chacun ses petits tas.

Pierre Frogier, du haut de son empyrée stratosphérique, rencogné dans la bouderie vaniteuse, comptabilise les militants épars de son parti croupion, résidu de Rassemblement, qu’on ne sait désormais comment nommer depuis qu’a été égarée la franchise UMP dans les errances d’un vote interne hors la loi. À ce noyau étique, s’agglomère un Avenir Ensemble réduit à rien ou presque, un Didier Leroux ne représentant que lui-même, un LMD ne représentant que Simon Loueckhote dans le rôle parfaitement assumé de teaser frontiste.

Les figures de ce pathétique musée Grévin de la politique calédonienne, n’ont rien à espérer ni à attendre, si ce n’est le passage d’une dépoussiéreuse, qui, d’un coup de plumeau magique, leur restituerait, auprès d’un électorat volatilisé, un peu de leur lustre d’antan.

Du côté de Gaël Yanno, dans le registre des petits tas qu’on assemble, il y a le nouveau-né MPC, extirpé des limbes d’une déculottée électorale législative, auquel s’adjoignent le moléculaire MRC, seul parti politique au monde créé pour ne jamais se présenter à aucune élection en son nom propre, et le RPC dont l’existence ne repose que sur le patronyme historique de son président fondateur, et aussi, sans doute, sur de très copieux capitaux laissés en héritage.

L’improbable triumvirat s’affiche sous la bannière de l’UCF, acronyme dont la consonance évoque davantage l’organisme bancaire helvète qu’un quelconque mouvement politique. Et ce n’est peut être pas seulement le fait du hasard.

D’ailleurs, en dehors de l’instinct de survie, on est en droit de s’interroger sur la nature du lien qui unit ces trois-là. Quel est donc «  le socle commun de valeurs » dont ils se réclament ? Réponse : «  Le maintien de la Calédonie dans la République française », «  le non-transfert des compétences de l’article 27 », « la recherche d’un drapeau et le maintien du nom du pays », concepts ultra-novateurs, d’une audace inouïe, auxquels personne avant eux, dans le camp non indépendantiste, n’avait songé.

Bien sûr, en guise d’oriflamme, est brandie « l’union sacrée » du camp loyaliste. Sacrée union plutôt, si l’on songe qu’elle repose sur des séparatistes notoires. Et puis bon, le danger indépendantiste aux municipales dans le grand Nouméa est aussi crédible que le serait une Marseillaise entonnée par LKU.

Et sinon ? Pour ce qui est du quotidien des Calédoniens : vie chère, logement, insécurité, avenir de la jeunesse, que nous propose la troïka ? Mystère et boule de gomme à encre sympathique. C’est que voyez-vous, chez ces gens-là, on n’est guère concerné par de telles questions subalternes.

En revanche, on semble se préoccuper de la pérennité du bancal édifice, au point d’envisager de nouveaux recrutements puisque, nous apprend-on, « la porte de l’UCF n’est pas fermée ». D’ailleurs, avec le Rassemblement « les discussions ne sont pas rompues ». Tout ça pour ça, aurait-on envie de dire, mais il est vrai qu’il y a moins de 18 mois le président du MPC vantait le « courage politique » en même temps que les talents de « visionnaire » dont Pierre Frogier avait fait montre lors de l’affaire du drapeau FLNKS, drapeau au reste levé sur la mairie de Nouméa par qui on sait. Que voulez-vous, on ne se refait pas.

De même qu’il y aurait quelques tractations avec le Front National « qui n’est pas vraiment pour l’Accord de Nouméa ce qui me gênait un petit peu », nous confie cependant Isabelle Lafleur dans un confondant élan de sincérité. Pas plus gênant apparemment que de s’allier avec l’ancien suppléant de 2002, devenu adversaire de son papa une législative plus tard, ainsi qu’avec Sonia Backès qu’elle épinglait en mars 2012 dans les colonnes de son journal Demain pour avoir hissé dans son bureau, au gouvernement, les couleurs du FLNKS.

«  Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » écrivait Blaise Pascal. En politique, nécessité faisant loi, il semblerait bien que la raison a des raisons que le cœur ignore…

Quoi qu’il en soit, en terme électoral, les politiques en petits tas, fussent-ils assemblés, ont rarement rallié à eux des montagnes d’électeurs.

Calcyt