Depuis des mois l’unique quotidien du pays vit des heures sombres. Chute des ventes et pertes financières, départ de journalistes et d’annonceurs, fracture ouverte entre la rédaction et sa direction, un climat malsain s’est emparé des employés des Nouvelles Calédoniennes et l’inquiétude grandit. Enquête sur un journal à la croisée des chemins.
Fêtards énervés, bagarres, dégradations de biens et quelques insultes qui fusent dans la nuit. La scène ne se déroule pas dans l’arrière-salle d’une discothèque locale ni chez un particulier aviné mais lors d’une soirée à l’hôtel Escapade, sur l’ilot Maître, à la fin 2013. Le Comité d’entreprise des Nouvelles Calédoniennes y organise sa fête de fin d’année et rassemble pour l’occasion de nombreux salariés du quotidien ainsi que leur conjoint. Des débordements causés par une minorité d’employés que certains expliqueront après coup comme « une conséquence du stress subi au cours de l’année écoulée » et qui se sont concluent par l’interdiction pour le comité d’entreprise de remettre jamais les pieds sur l’îlot paradisiaque qui fait face à la ville de Nouméa. Du côté des participants, on se demande encore comment on en est arrivé là…
De Bernard Tapie à Jacques Jeandot
Depuis 2012, l’ambiance au sein des Nouvelles n’a pour ainsi dire jamais cessé de se dégrader. Tout d’abord inquiétée du rachat des titres du Groupe Hersant Médias (auquel appartenait le quotidien calédonien) par Bernard Tapie – la rédaction a vu d’un mauvais œil l’arrivée du sulfureux homme d’affaire Marseillais à la direction de l’entreprise. Cependant, de Paris, la cession du pôle LNC était déjà actée. Plusieurs investisseurs calédoniens s’étant montrés très intéressés par la reprise du titre. Parmi eux, les milliardaires Lavoix, Montagnat et surtout Jacques Jeandot, aujourd’hui à la tête d’un véritable empire économique calédonien. Passionné par les médias et l’influence qu’ils peuvent exercer sur le monde des affaires, celui-ci a toujours ambitionné de détenir l’unique quotidien du pays qu’il a toujours jugé suffisant, et ne s’en est jamais caché.
Courant 2013, le Ruppert Murdoch calédonien a enfin pu réaliser « son rêve » : via la holding propriétaire du groupe dont il détient la majorité des parts, il a pu placer des hommes sûrs au sein du quotidien. Gérard Dinet d’abord, son ancien bras-droit et factotum, hissé à la tête d’une toute nouvelle direction des rédactions. Une consécration pour ce fidèle de la première heure. Puis, limogeage de Xavier Serre, jugé trop incontrôlable par Philippe Demazel, le directeur du groupe. Retour du billet de l’Affreux Jojo ensuite sous la plume acerbe – pour un temps seulement – de Thierry Squillario, actuel directeur de publication de l’hebdomadaire L’Eveil. Nomination enfin de Véronique Palomar comme rédactrice en chef, une professionnelle de la gestion commerciale arrivée tout récemment sur le territoire.
Des ventes en chute libre
Ces bouleversements, mal compris par les employés mais imposés par Demazel, se sont suivis de départs massifs de journalistes et d’une véritable levée de bouclier au sein de la rédaction. Car si les hommes de Jacques Jeandot ont fait leur preuve au sein du gratuit et de son imprimerie, mais également dans le secteur automobile (la famille Jeandot contrôlant plus de 55% du marché calédonien) il n’en est pas de même en matière de journalisme. Ainsi, une étude confidentielle commandée par la direction du groupe en fin d’année dernière démontre chiffres à l’appui la baisse des ventes que subit actuellement le titre. Entre 2012 et 2013 (Cf. tableau évolution) les ventes des Nouvelles Calédoniennes ont connu une diminution de l’ordre de 10% à 15%. En un an, c’est 2000 exemplaires quotidiens, en moyenne, qui se rajoutent aux invendus. Et la chute continue. Malgré un bénéfice net de près d’un million d’euros pour l’année écoulée, la moitié provient désormais des retombées de la succursale NRJ, seule radio entièrement privée de Calédonie appartenant elle-aussi à la Holding Jeandot. Le titre LNC est lui plus que jamais en péril car il pourrait bientôt, et pour la première fois, perdre de l’argent.
Une direction qui bloque les évolutions
Du côté du service commercial, la sirène d’alarme a été déclenchée depuis longtemps. L’un des responsables du service marketing avait ainsi commandé à l’agence I-Scope une étude qualitative censée dresser un constat objectif de la situation du titre et de son image chez les lecteurs et les annonceurs. En fin d’année dernière, lors d’une réunion autour de Philippe Demazel, plusieurs cadres de l’entreprise ont déjà cherché à lui démontrer les risques que prenait le journal calédonien s’il ne se renouvelait pas et ne s’adaptait pas aux nouvelles technologies. La présence du billet de l’Affreux Jojo étant, par exemple, perçue par les lecteurs comme « une déception par rapport à ce qu’il était avant ».
Le choix de Fabrice Rouard comme nouveau rédacteur en chef ne fut pas non plus perçu comme le plus judicieux. Aujourd’hui, celui qui n’a jamais exercé en tant que journaliste est totalement décrédibilisé au sein de la rédaction. On lui reproche ses accointances avec l’UMP national et ses ramifications locales, son inexpérience médiatique mais aussi son manque de leadership face à la direction. « C’est Demazel aujourd’hui le vrai patron. La vérité c’est qu’il n’y a pas de rédacteur en chef » raconte un membre de la rédaction sous couvert d’anonymat. Son activité de voyant et cartomancien « en free-lance » n’ayant fait que le délégitimer davantage.
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Le site internet, et plus globalement la stratégie Web des Nouvelles est, quant à elle, jugée « complètement surannée » par l’étude I-scope. Alors que l’ancien rédacteur en chef avait modernisé le site et l’avait ouvert aux commentaires, Philippe Demazel reste sourd à la volonté des employés et des journalistes de s’adapter au Web et ce sans raison apparente. La conclusion de l’étude ne laisse pas de doute quant au défi auquel est confronté le journal : « le journal profite-t-il de sa position dominante pour faire l’économie de la qualité de service ? » Si la réponse était oui, face aux autres médias du territoire, les Nouvelles pourraient bien dans un avenir très proche perdre leur position dominante. Une inquiétude partagée par la société des journalistes et relevée par le journal Le Monde. La SDJ ayant déposé la semaine dernière une motion de défiance à l’encontre du rédacteur en chef, critiquant au passage « l’amateurisme » de la direction. Ambiance.
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Ces péripéties sont un coup dur pour Jacques Jeandot. Celui qui s’est fait une place face au grand capital des Lafleur, Hersant, Pentecost, voyait dans l’acquisition du seul quotidien calédonien « l’aboutissement d’une passion » et une « consécration pour son groupe ». Il s’était juré au cours de son ascension dans le monde des affaires de s’offrir un jour ce média ô combien symbolique. Fragilisé par des problèmes de santé depuis de nombreux mois, il a dû laisser à d’autres le soin de réorganiser sa holding et il vit, dit-on, très mal les déboires actuels des Nouvelles Calédoniennes. Pour l’heure, abandonnés à leur sort et alors que les rumeurs selon lesquelles les Nouvelles de Tahiti pourraient bientôt mettre la clé sous la porte, pas étonnant que les employés des Nouvelles Calédoniennes soient eux victimes « d’un stress subi pendant l’année… »
au fait savez vous qu un nouveau journal d information a vu le jour ? bienvenue a ” l actu ” , dans les bacs depuis le 14 fevrier .
LES NOUVELLES faudrait le vendre en rouleau de dix centimètres prédécoupé ,cela remonterait les ventes
À mon sens, même topo qu’en Polynésie : Hersant lâche l’affaire et présente une “affaire saine” aux milliardaires locaux qui se rêvent en patron de presse mais finissent par déchanter très vite…
J’ai été journaliste pendant plus de vingt ans dans différents titres en Métropole et ici.
Cet article est bien renseigné et pas loin de la vérité.
Mais on ne fera pas croire qu’il a été écrit par les rédacteurs-bloggueurs de Calédosphère…
Après ils se demandent pourquoi les Calédoniens leur tournent le dos. pffff.
Ah si seulement les nouvelles caledonienes pouvaient ecrire de si bon articles 🙂 je félicite l’auteur, c’est un bon papier !.
En ce qui concerne les nouvelles, le problème c’est qu’elles ne font pas le poids face a internet pour ce qui est de l’international et au niveau local, c’est surtout du niveau rubrique chien écrasé que grand journalisme,
Où lit-on Les Nouvelles-papier ?
Dans les salles d’attente et sur l’emballage des poissons…
[Et les Nouvelles-web ? Laisse tomber, c’est update 1 fois/ semaine…]