Je ne sais pas si Ayo et Youssoupha sont de fins politiciens, mais au fond ils ont raison : « On ne libère pas un peuple, un peuple se libère tout seul1 ». Je sais que j’ai déjà écrit l’année dernière que l’Accord de Nouméa était mort, mais les événements récents ne font qu’appuyer davantage dans ce sens.
Notre système politique est tellement faible qu’à l’heure actuelle les « partenaires sociaux » font la politique économique, sociale et fiscale à la place des élus du peuple, qui, eux, n’ont pu que signer en mai 2013 un protocole vide de sens – et de suites – dans la demeure d’un Etat pathétiquement appelé au secours pour l’occasion. Cet accord inappliqué avait donc été signé en dehors de toute institution de l’Accord de Nouméa, signe de leur manque de force.
Qu’il est dommageable le jeu qui s’engage aujourd’hui, lorsque les syndicalistes menacent les élus du congrès de représailles s’ils ne votent pas leurs préconisations, dans un système où le congrès peut se sentir à la fois paralysé de voter des textes avant qu’ils n’aient obtenu l’aval des syndicalistes – mais pas obligé de les voter systématiquement lorsque c’est le cas ! « Le » congrès est en effet trop multiple, trop éparpillé et, au final, pas assez fort, pour diriger la politique du pays. Le consensus des forces vives, s’il est parfaitement louable de le rechercher, doit inévitablement tomber dans le maelström des institutions de l’Accord de Nouméa pour faire loi et trop souvent il s’y noie.
Et lorsque le pouvoir politique est affaibli, c’est la rue qui récupère les lambeaux de pouvoir perdus. Nous savons tous où cela nous a mené : des foyers comme Saint Louis ou Canala sont incontrôlables, des jeunes sont déboussolés par la différence entre les rêves qui leur sont véhiculés et la réalité de leur vie, les syndicats dirigent ou bloquent la politique fiscale du pays, le gouvernement, dont le président n’a pas de légitimité populaire, a les mains liées par l’illusion d’une collégialité qui n’est « océanienne » que parce que les couillons qui l’ont proposée ne savaient pas à quel point les sociétés océaniennes sont autocratiques, ou qui le savaient mais ont fait semblant de l’ignorer pour aboutir à quelque chose !
Il n’y-a rien de plus océanien que la notion de leader. Il n’y-a rien de plus démocratique qu’un leader élu pour une durée limitée. Mais la Nouvelle Calédonie n’a pas de leader démocratique et ne peut pas en avoir. Tout cela n’est ni océanien ni démocratique.
Bien sûr, nos institutions ont aussi leurs qualités, la principale étant qu’elles ont constitué une transition efficace car acceptée de tous, si bien que nous savons parfaitement pourquoi elles sont là aujourd’hui. Mais comment ignorer à quel point elles ont les défauts de leurs qualités ? La place réduite des loyalistes dans les assemblées, due au rééquilibrage politique de Matignon, ne fait qu’exacerber la concurrence irresponsable qui s’installe entre eux pour le pouvoir. Les indépendantistes ont pu imaginer se servir de ces divisions, mais les dernières provinciales ont montré qu’ils pouvaient en être victimes eux aussi.
Finalement, le rééquilibrage politique s’est traduit par la création de deux espaces politiques séparés au sein desquels chaque tendance ne trouve même pas la place dont elle a besoin pour s’exprimer pleinement. Elle existe dans un espace qui lui est réservé, mais il n’y-a de projection possible au-delà que grâce à un consensus qui n’existe pas la plupart du temps. Et nous sommes en train de mourir lentement de cela, parce que notre pays change avec le temps et que nous ne pouvons pas l’accompagner comme il faut.
Et plus nous nous approcherons de la date à laquelle les référendums auront lieu, plus nous vivrons mal le fait de n’avoir pas d’avenir. Les rêves d’indépendance ou d’autonomie dans la France placés dans les esprits sont devenus la seule réalité tangible pour ceux qui n’ont pas vécu les évènements. Comment réagiront-ils lors d’un retour brutal à la réalité ? Si les élections provinciales de la dernière mandature n’ont pas clarifié la position de chacun sur l’après, quand saurons-nous les options qui vont être portées par nos partis politiques ? Il n’y-a malheureusement plus d’ici là de grand rendez-vous démocratique pour supporter le grand débat public qui doit précéder un tel scrutin.
J’entendais pendant la campagne, et encore récemment à la radio, les commentaires de ceux et celles qui voyaient dans les questions économiques et sociales les premiers sujets de préoccupation. Bien sûr, devant tellement de travail qui reste à accomplir, il paraît responsable de ne pas sacrifier ces questions sur l’autel de l’incertitude institutionnelle. Mais la vérité est que cela revient à oublier deux choses. D’abord que les bonnes décisions que nous avons à prendre sur ces plans-là seront inévitablement affectées par les défauts de notre organisation politique ; le passé récent nous a montré que souvent elles n’y survivent pas. Et aussi que le système de pseudo-consensus temporaire dans lequel nous vivons depuis 25 ans a déjà profondément (dé)structuré notre économie.
Voulez-vous parler de tourisme ?
Comment ignorer le lien entre le politique et Aircalin, signe d’indépendance en matière de transport aérien, qui amène à sur-staffer la compagnie et à la protéger de la présence de concurrents low-cost qui auraient pu nous aider à remplir nos hôtels – et à partir en vacances sans se ruiner ? Aircalin perd de l’argent alors qu’elle ne paye même pas ses avions !
Vous voulez parler de la mine ?
Comment ignorer que c’est avant tout un outil politique d’indépendance pour le FLNKS, au point d’ailleurs de se contraindre à abandonner la stratégie de deux décades de la Sofinor de se servir de l’argent du nickel pour développer d’autre secteurs ? Que penser en effet de Nord Avenir, qui ressemble plus à une structure de défaisance qu’à un véritable outil de développement ? Au point aussi de se dédire en disant d’abord que les usines locales sont le meilleur modèle d’avenir pour le pays, pour obtenir celle du nord, et maintenant qu’il faut faire des usines à l’étranger parce que finalement ça rapporte plus d’argent à la SMSP de donner du travail à des chinois ?
Vous voulez parler de formation, de protection sociale, de fiscalité, d’emploi, de logement ? Rien n’échappe à la dichotomie politique entre autonomie dans la France et indépendance pure et dure.
Nos élus sont parfois incompétents, égocentriques ou colériques. Parfois ils se trompent mais parfois aussi ils n’ont pas de majorité pour faire avancer leurs bonnes idées et porter la voix du peuple… et c’est le pire ! Il existe des pays dans lesquels le courage de la population, sa volonté de vivre ensemble, le profond respect qui unit la plupart des gens en dehors de toute connotation politique trouve encore à s’exprimer. Ce n’est pas le cas chez nous. La « tutelle coloniale » a été remplacée par une « tutelle institutionnelle » qui donne l’illusion de l’autonomie. On n’a pas libéré le peuple calédonien avec cet accord, on l’a simplement protégé de lui-même pendant un temps.
Pour nous libérer tout seuls, il nous faut dépasser sans états d’âmes l’Accord de Nouméa en détaillant ce qu’on veut pour l’après. Pas en promettant d’éclairer le débat demain ou en imaginant des accords de Nouméa II, III ou IV, aussi vides de sens que les suites de films à succès. Il nous faut un nouveau scénario, il faut le poser sur la table et se servir de la possibilité ouverte par l’Accord de Nouméa d’enrichir la question d’autodétermination, ou même d’ajouter une question à la question obligatoire sur l’indépendance. Cette question enrichie devra inévitablement comporter une indication très précise sur l’organisation institutionnelle du pays car, comme le souligne le rapport Courtal-Soucramanien, après la période de l’accord de Nouméa, il n’y-a plus rien. Plus aucune garantie sur les institutions, sur l’existence des lois, sur la sécurité publique, plus rien.
Je préfère réfléchir à ça que regarder servilement notre système actuel déstructurer notre économie et nous pousser de désillusions en désenchantements. Mais je suis comme ça : j’ai besoin d’espoir pour vivre.
Personne n’a l’air de vraiment connaître l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Tout est cyclique en Calédonie, j’en veux pour preuve.1850, premier massacre perpétré par les Kanaks. 1853 et 1878, insurrection du grand chef Ataï, dont la tête va bientôt rentrée en Calédonie. 1913 et 1917, révoltes Kanaks. 1984 à 1988, conflit politique et ethnique appelés événements, etc ……. Le chemin est encore très pour ramener la paix et le bien vivre sur cette belle terre.
“Il n’y a pas de vide après les référendums s’ils n’aboutissent pas à la pleine émancipation.”Oh… Donc, si je comprends bien la Phrase de l’inénarrable Chauchat: “Il y a un vide après les référendums s’ils aboutissent à la pleine émancipation”…Vont être contents ses copains indépendantistes!
Génial Clark ! Notre Chauchat serait du genre à nous dire : “Que c’est plus qu’on avance doucement que c’est moins qu’on va vite !” Finalement, pas difficile à suivre ce con alambiqué !
Je partage entièrement les arguments de cette analyse. On pourrait se réjouir si beaucoup d’autres y adhèrent, mais ce que je crains, c’est que certains parmi ceux-là n’auront pas la possibilité de faire entendre cette voix dans les prochaines consultations “référendaires”…….Ah, la démocratie…(participative ?……)
bien, bien , ami,de temps à autre une petite graine pousse
Il n’y a pas de vide après les référendums s’ils n’aboutissent pas à la pleine émancipation. Les institutions restent en place, comme le corps électoral, jusqu’à une nouvelle organisation politique décidée par les partenaires. C’est le principe constitutionnel d’irréversibilité. La sortie de l’Accord est l’émancipation (achievement), pas sa fin (way out).
“J’ai lu l’accord de Nouméa… Je l’ai lu et relu. Je ne peux qu’accréditer votre lecture. ”
Ben re-relisez-le, alors …
c’est évident et logique…
vous feriez mieux de vous taire et essayer de vous faire oublier, vous ne méritez aucunement les millions de l’université ( pris sur nos impots)en crachant sur la FRANCE et en soutenant un WAMYTAN qui ose aller à la messe d’enterrement du Père André GLANTENET , ancien aumonier militaire de la gendarmerie, laquelle est insultée par wamytan au sujet de St Louis !!! décidemment les gauchistes sont de piètres étres humains
si l’après referendum c’est” une nouvelle organisation politique décidée par les partenaires” on peut un peu parler de vide, parce qu’une bande d’abruti qui ne connaissent a peu près rien a rien qui décident d’un avenir incertain dont ils n’ont absolument aucune idée sa s’aparente un peu a un grand “vide”
le mot “émancipation”, tel qu’il est usé dans vos dires, n’est qu’une coquille vide.(aussi vide que le programme économique de Wamytan…)
“La sortie de l’Accord est l’émancipation” ?????Ca ce n’est écrit nul part.
Le rapport Courtal-Soucramanien parle de l’après-référendums comme : d’ “une zone qui n’est pas explicitement couverte par la loi organique”, où “L’ombre l’emporte sur la lumière.”Que l’ombre l’emporte sur la lumière après 25 ans d’un “processus exemplaire”, c’est un petit peu inquiétant. Mais s’il suffit d’aller au bout de la durée de l’accord pour que la NC soit émancipée, comme vous l’écrivez, alors tout va bien…