Sonia Lagarde : “les yeux dans les yeux”…

À la veille de repartir en métropole pour le comité des signataires, la maire de Nouméa multiplie les prétextes pour ne pas démissionner de l’assemblée nationale comme elle s’y était engagée avant les élections. Tout laisse à penser qu’elle ne tiendra pas sa promesse. Explications et conséquences.

Interrogé la semaine dernière sur Canal Plus quant à ce qu’il restait aujourd’hui de la morale en politique, Edwy Plenel avait répondu : « Je suis journaliste, je m’en tiens à savoir : est-ce qu’ils disent ce qu’ils font et est-ce qu’ils font ce qu’ils disent, qu’ils soient de gauche ou de droite (…) le problème – ce qui détruit le pacte républicain entre les électeurs et les élus – c’est qu’ils fassent le contraire après les élections de ce qu’ils ont dit avant ».

Si le fondateur de Médiapart évoquait dans sa réponse la situation métropolitaine, ses propos s’adaptent parfaitement à certains aspects du paysage politique calédonien. En effet, pendant la campagne des municipales, la candidate à la mairie de Nouméa Sonia Lagarde avait déclaré sur NC 1ère, lors du débat du 1er tour :

Je vais dire aux Nouméens les yeux dans les yeux et au moins ce sera clair pour tout le monde : si demain les Nouméens me font confiance et bien je démissionnerai de mon mandat à l’assemblée nationale parce que je considère que pour s’occuper d’une ville de 100000 habitants on doit le faire à temps plein (Sonia Lagarde)

Or, depuis sept mois, celle qui avait fait de cette annonce un argument de campagne en combattant le cumul des mandats reste aujourd’hui députée-maire de la ville de Nouméa. Selon le livre Secrets de Campagne de Claudine Wery et Anne Pitoiset, Sonia Lagarde avait promis à ses proches de démissionner dans le courant du mois de juin de cette année. Une information corroborée par une amie de la députée que nous avions relayée dans ces colonnes. Mais il n’en a rien été. A l’instar d’un Jérôme Cahuzac qui avait promis « les yeux dans les yeux » qu’il disait la vérité aux français, les faits l’ont rattrapé…

De prétextes en louvoiements

Depuis qu’elle a succédé à Jean Lèques, la députée n’a eu de cesse de trouver des prétextes, mis en avant de façon publique ou non, afin de ne pas renoncer à son poste de parlementaire. Ce fut tout d’abord les échéances provinciales puis européennes. Sonia Lagarde expliquant aux médias qu’elle ne souhaitait pas obliger les électeurs à se déplacer une nouvelle fois « deux dimanches de suite ». Ce fut ensuite sa volonté de porter à l’assemblée nationale la parole de l’UDI quant à la loi sur la parité Homme/Femme, raison pour laquelle elle n’a pas démissionné en juillet comme elle l’avait promis aux membres de son conseil municipal.

Aujourd’hui, Sonia Lagarde insiste sur la nécessité pour elle de se rendre à Paris pour assister au comité des signataires dans lequel les parlementaires sont membres de droit. A son retour, la visite sur le territoire du président de la République François Hollande lui permettra d’attendre fin novembre pour se positionner, en attendant une autre énième raison en décembre : la défense à l’assemblée nationale d’une proposition de loi de ses collègues sénatrices Muguette Dini et Chantal Jouanno.

Selon une source proche de la mairie, Sonia Lagarde aurait promis à ses deux « amies » de défendre ce projet de texte qui, s’il était voté par une majorité de députés, pourrait porter son nom : la loi Sonia Lagarde. La maire de Nouméa serait pour sa part très sensible à l’idée d’inscrire son nom dans le marbre de la loi. Raison pour laquelle, du côté de l’opposition du MPC, on ne se fait plus d’illusion sur une hypothétique législative partielle. Un conseiller municipal expliquant :

Elle ne démissionnera pas. Ses électeurs sont cocus, mais pour les élections anticipées c’est mort

Il n’y aura pas d’élection législative anticipée

Le calendrier législatif ne laisse, lui, pas beaucoup de marge de manœuvre. Aucune législative anticipée n’étant possible un an avant les élections de 2017 et la loi sur le cumul des mandats s’appliquant obligatoirement dans deux ans, il suffira à Sonia Lagarde de « jouer la montre » durant encore une année et elle sera désengagée de sa promesse, arguant que sa démission s’accomplira de fait durant le dernier trimestre de 2016.

Restera à Sonia Lagarde d’assumer une « trahison de la parole donnée » face à la presse et à ses électeurs, sans compter le désaveu de sa famille politique qui avait plaidé pour un total respect de ses engagements de campagne et sur une démission rapide. D’autant plus que la gestion « d’une ville de 100.000 habitants » se conjugue difficilement avec les obligations métropolitaines d’un parlementaire, Sonia Lagarde s’étant déjà absentée durant plusieurs semaines depuis son élection. Quant à l’opinion publique, cet énième exemple de « trahison » risque de mettre encore à mal la confiance qu’elle porte envers ses élus. Comme le dit Edwy Plenel : « Le problème – ce qui détruit le pacte républicain entre les électeurs et les élus – c’est qu’ils fassent le contraire après les élections de ce qu’ils ont dit avant »

RAPPEL de la campagne électorale pour les municipales, le 7 mars 2014 sur RNC :

Je ne suis pas une cumularde (…) mais j’ai pris une décision, je l’ai annoncé de manière claire (Sonia Lagarde)

Une semaine plus tard, le 19 mars sur RRB, à la journaliste qui lui demandait : « Vous avez dit que si vous étiez élue maire, vous démissionneriez de votre mandat de députée, vous confirmez toujours ? »

Mais absolument. Il me semble avoir été suffisamment claire lors du débat télévisé, donc, je n’ai rien à dire de plus là-dessus, je crois que les Nouméens l’ont parfaitement compris. Et c’est un acte de courage de faire ça, parce que d’autres l’ont été et ne l’ont jamais fait, ils ont bien cumulé les mandats (Sonia Lagarde)

Journaliste : « Au prix d’une nouvelle élection législative pour les Nouméens ? »

Ben, évidemment qu’il y en aura une (Sonia Lagarde)

Une semaine plus tard, le 27 mars 2014 dans les Nouvelles Calédoniennes :

J’ai toujours été claire sur ce point. Je n’attendrai pas pour démissionner de mon mandat de député (…) Gérer une ville de 100 000 habitants, c’est un travail à temps plein (Sonia Lagarde)