SLN ET LE PETIT CHARBON ROUGE

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sln-2Il y-a de vieilles habitudes auxquelles on a encore du mal à s’habituer. Prenez les relations entre la SLN et les politiques par exemple. A priori, il n’y-a là rien de bon : une usine fumante au cœur de la ville dans un pays où les asthmatiques sont parmi les plus nombreux au monde, et un complexe industriel assis sur des milliards de francs de foncier dans une presqu’île où les gens n’arrivent plus à se loger tellement le manque d’espace fait grimper les prix.

Les politiques devraient détester la SLN, et pourtant c’est tout le contraire. Chacun y va de son petit sentiment d’amour à l’égard de cette vénérable grand-mère qui passe et repasse les couches de peinture sur la rouille qui la ronge comme une vieille belle se maquille pour dissimuler ses rides.

Calédonie Ensemble, dont la grandeur d’âme à l’égard du troisième âge n’a d’égal que l’égo de taille industrielle de son leader, est prêt à lui déclarer sa flamme en la prenant d’assaut jusqu’à mi-hanche (51%), quel que soit le prix à payer. Ils croient avoir trouvé là un terrain d’entente avec les indépendantistes, alors que ces derniers, bien plus désabusés, ne s’intéressent en fait qu’à sa dot payable sous forme de titres miniers.

Le Rassemblement canal historique, traditionnellement bien plus respectueux du patriotique mari de la vieille dame, n’ose pas franchir le pas malgré la distance qui sépare Monsieur Eramet de sa lointaine épouse et préfère entretenir une relation adultère avec elle en la couvrant de cadeaux. Elle a besoin de gisements supplémentaires sans avoir la capacité de les transformer ? Pas de problèmes, la sémillante présidente de la Province Sud enfile son capuchon rouge et lui offre Prony-Pernod en prenant bien garde de la faire accompagner par un Vale si affaibli en ce moment qu’on ne peut douter de son incapacité à prendre le pas sur la vieille dame.

Dernier caprice en date : Madame doit s’offrir une centrale neuve pour éviter de sortir définitivement du club des usines à la mode. Comment la SLN s’y prend-elle pour réussir ce changement majeur dans sa vie ? Elle lance une campagne de séduction ? Elle rassemble les nouméens pour leur expliquer les avantages et inconvénients de chaque technologie ? Elle publie ses études d’impact économique et environnemental ? Eh bien non, elle envoie son directeur à la télévision pour expliquer que le gaz c’est trop cher et qu’elle a choisi le charbon un-point-c’est-tout.

Comment une entreprise plus que centenaire peut-elle sembler tellement ignorante de ce qui concerne les nouméens, et même les calédoniens au sens large ? Comment peut-elle être si légère dans un choix aussi polémique sans craindre la sanction des politiques ?

Je ne vois qu’une réponse : parce qu’elle n’a pas besoin de faire mieux que ça. A l’image du cadeau gratuit que Madame Ligeard, dans la droite ligne de ce que ses glorieux aînés du Rassemblement canal historique ont l’habitude de faire, offre unilatéralement à la vieille dame sans négociations, sans contrepartie.

En somme, l’attribution de Prony et Pernod est un geste fort fait en direction d’un adversaire avec lequel on est malgré tout condamné à discuter, mais sans aucun geste en retour. Ça ne vous rappelle rien ?

La SLN est un atout formidable pour le pays, qui a largement bénéficié de son existence depuis si longtemps qu’on n’en compte plus les années. Mais c’est aussi une entreprise industrielle gigantesque, qui a ses propres contraintes et qui fait ce qu’il y-a de mieux pour elle. Comme dans le conte, là où on s’attend à trouver une mère-grand, il y-a en fait un loup affamé déguisé et bien planqué sous les draps qui attend la petite encapuchée.

Les arbitres de ces intérêts qui divergent les uns des autres, ce sont nos hommes et femmes politiques. Mais comment font-ils pour être aussi mauvais ?

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Magellan est un navigateur. Soucieux de regarder loin à l’horizon pour savoir dans quelle direction aller autant qu’à la verticale de la coque pour éviter les récifs, il observe avec curiosité. Eveillé récemment à la politique par plusieurs tempêtes, il s’interroge sur l’état du navire et sur la meilleure route à prendre. Ouvert à toutes les idées, pragmatique, avec une sensibilité particulière sur les sujets économiques, confiant dans l’équipage mais un peu moins dans la liste des capitaines possibles, il a pris le parti de se donner les moyens d’avoir ses propres opinions… et de les soumettre à la lecture des visiteurs de Calédosphère.
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Rigoberto

Tous les partis politiques sont d’accord pour faire un max de profits à travers la STCPI dans laquelle ils sont tous représentés, le charbon est l’énergie qui coûtera le moins cher pour faire concurrence aux autres usines qui fonctionnent toutes au charbon.

C’est malheureux mais c’est comme ça.

Inforetif

Tellement vrai, malheureusement. La dernière la plus choquante c’est effectivement cette décision d’une centrale à charbon : on se croirait dans un des pays-poubelles d’Afrique.

Eric

Ben pourquoi d’Afrique… ???
Nous sommes en droit de revendiquer notre océanie…
Nous dirons donc “pays poubelles d’océanie…
Et dans cette affaire on entend pas beaucoup le monde politique et en particulier sa composante indépendantiste…!!! C’est un peu curieux, non ???

Diogene

Bravo! Que ces choses-là sont joliment dites!…

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