Depuis les élections législatives, tout ce que le pays compte de forces politiques s’est soit embourbé dans des alliances contre nature soit énergiquement attelé à faire de la démagogie et de l’inaction de véritables sciences. Donc il ne se passe rien, et c’est vraiment pesant.
Fort heureusement, la création d’un nouveau parti a agité le baromètre politique, faisant sortir le territoire du pot-au-noir dans lequel il se trouvait jusque-là. Il a évidemment très vite été pris d’assaut par les forces existantes, le rassemblement lui reprochant finalement d’aller dans le sens de ce que les calédoniens souhaitent, et Calédonie Ensemble de ne s’être pas manifesté plus tôt, ou de n’être pas légitime à se manifester. Ce qui est assez amusant quand on y pense : ceux qui vont probablement perdre les prochaines élections disent que la stratégie des petits nouveaux est mauvaise, et ceux qui sont certains de les gagner ne lui reprochent pas son positionnement, mais le temps mis avant de l’afficher ou d’être moins légitime qu’eux pour l’avoir. Moralité, les nouveaux ont tout bon mais il ne faut surtout pas voter pour eux.
Bref, comme il ne va pas y avoir d’événements de ce genre tous les mois, nous allons devoir trouver des moyens de nous remonter le moral pendant que nos grands stratèges de la politique continuent leur partie de catch dans la bouillasse. Pour ce faire on peut écrire des listes. En voici une :
- Ne plus lire le journal. Il était devenu sensationnaliste, à afficher en première page des histoires de violence ou de mœurs plutôt que des informations économiques ou politiques, et il risque maintenant de devenir terriblement orienté. Prochaine une : « un juge incompétent outrepasse ses droits et incrimine calomnieusement l’honorable président de l’exécutif alors qu’il travaille à une nouvelle loi, dans laquelle le gouvernement paye les cabinets de défiscalisation pour leur demander l’autorisation d’agréer les projets qu’ils lui soumettent » ;
- Ne plus regarder la télévision. Les interviews des politiques sont à mourir d’ennui ou, si ce n’est pas le cas, terriblement déprimantes. Parfois le journaliste finit les réponses à la place du politique interviewé comme Nathalie avec Sonia Lagarde l’autre fois, parfois le politique invité cherche tellement à cirer les pompes des téléspectateurs que c’en devient écœurant, comme avec la présidente de la Province Sud plus récemment, et parfois un armateur pas grec du tout s’emploie à vérifier le constat bien connu en Nouvelle Calédonie que le racisme est une mauvaise chose sauf quand il est le fait d’un syndicaliste kanak ;
- Ne plus aller faire ses courses. Tout est cher, de plus en plus cher, et en plus les clients ont l’impression d’être la dernière roue du carrosse quand en plus d’être cher c’est soit en monopole, ce qui nous oblige à acheter ce qu’on veut bien nous vendre, soit en rupture et qu’il faut revenir un autre jour. Pour couronner le tout, il y-a une chance pour que vous ayez envie, pour une fois dans votre existence, d’acheter de l’alcool alors que c’est fermé à partir de 11h18 la veille des 7èmes vendredis impairs des années fériées non bissextiles (si la lune est descendante, sinon c’est le contraire) ;
- Ne plus répondre au téléphone. Il y-a une chance sur trois pour que ça soit votre banquier pour vous demander de renflouer le compte, comme si le fait de vous engueuler pouvait arranger les choses ;
- Ne plus aller faire le plein. Le compteur de la pompe qui tourne c’est mauvais pour le moral et pour quand vous allez recevoir le prochain coup de fil du banquier. Le pire c’est que ce n’est même pas bon pour la station-service qui ne gagne pas un rond en vendant du carburant ;
- Ne pas acheter un appartement ou une maison. Vous allez payer la marge du promoteur, la commission de l’agent immobilier, les droits d’enregistrement, les centimes additionnels, les émoluments du notaire, la taxe hypothécaire, les frais bancaires, et tout ça en signant un papier qui dit que vous prenez le bien dans l’état où il se trouve et qu’en cas de pépin c’est pour votre pomme ;
- Ne plus prendre sa voiture. Entre les motos qui zigzaguent au milieu de la route, les gens qui croient que s’arrêter au stop et au feu rouge c’est seulement dans les films en noir et blanc qu’on voit ça (et le rouge en noir et blanc, forcément…) et les pick-ups qui prennent 2 places de parking quand ils ne sont pas ventousés à 3 ou 4 l’un derrière l’autre en double file, il y-a de quoi couler une bielle. Si en plus il pleut il y-a de quoi faire une première page bien sensationnelle du journal, à base de violences urbaines ;
- Ne plus essayer d’aller sur internet. Ça vous rappelle que vous payez tous les mois un abonnement pour que ÇA NE MARCHE PAS, ce qui, bien sûr, ne change pas le montant du susdit abonnement ;
- Ne plus amener sa voiture à réparer. De toutes façons vous ne pourrez pas payer la facture qui est très au-dessus du devis initial, et soit dit en passant vous ne pourrez demander aucune explication à la petite jeune fille qui vous l’aura tendue parce que si elle appelle quelqu’un pour répondre à vos questions elle va se faire enguirlander, son patron ne lui donnant de toutes façons aucune information ;
- Ne plus essayer de traverser une rue. Surtout sur un passage piéton, malheureux ! Autant se peindre une cible sur le front et courir nu à travers Damas en criant que Bachar est un con ;
- Ne plus tomber malade. Cela vous évitera de patienter une heure et quart dans la salle d’attente chez votre médecin pour vous faire prescrire de l’advil et de la vitamine C, qui vous seront vendus par le pharmacien de l’autre côté du passage piéton qui, lui, ne reçoit jamais de coup de fil de son banquier même depuis que Sylvie lui a réduit sa marge ;
- Ne pas essayer de faire du tourisme en Calédonie. La chambre que vous avez réservée n’est pas encore disponible parce qu’il n’y-a plus d’eau parce-que la pluie n’est pas tombée au bon endroit parce que l’avion d’Aircal qui devait amener le plombier il n’est pas parti parce que la sœur du copilote elle est tombée malade. Ça fait 30.000 F merci, ah non on ne prend pas la carte ;
- Ne plus remplir votre déclaration d’impôts. C’est très dangereux et parfaitement inutile parce que quoi qu’il arrive votre argent est programmé à la naissance pour atterrir au Trésor public comme les pigeons sont programmés pour voler de nuit sans jamais se perdre, mais au-moins vous mourrez en ayant eu l’impression de vous être rebellé un petit peu une fois dans votre vie ;
- Ne pas réfléchir à ce que devient votre argent une fois que vous avez payé vos impôts, surtout pas aux salaires des élus qui ne font rien, soit parce qu’ils disent publiquement qu’ils ne vont rien faire soit parce qu’ils sont incapables de faire quoi que ce soit, ne pas réfléchir non plus aux marchés attribués aux amis des élus qui ne font rien, et surtout vraiment pas aux décisions politiquement et économiquement incongrues qui sont soufflées par les attributaires de ces mêmes marchés à leurs amis élus, à tel point que vous auriez peut-être envie de vous payer un billet d’avion pour la Syrie, finalement, pour ne pas voir le résultat de tout ça ;
- Ne plus penser qu’un certain syndicaliste kanak serait prêt à faire financer votre billet d’avion pour la Syrie (par l’Etat) si ça lui permettait de se débarrasser de vous, à moins qu’il ne préfère ne pas s’arrêter avec son gigantesque 44 alors que vous tentez malencontreusement de traverser un passage piéton en sortant de la pharmacie, vous faisant ainsi passer de statut de victime de l’histoire à celui de victime de la route, sachant que ce fait divers ne fera, lui, jamais la première page du journal ;
- Finalement, ne plus voter comme avant. Non seulement ça n’a rien changé mais en plus la situation s’est aggravée. Très franchement, en votant autre chose ça ne peut de toute façon pas être pire. En plus c’est une petite vengeance personnelle pour avoir foutu le bordel en se servant de ma voix comme d’une arme de destruction politique massive alors que moi je l’avais donnée pour que ça bosse et que ça trouve des solutions.
Voilà, la liste est finie. Ça n’arrange pas les choses mais ça fait du bien. Faites la vôtre et vous verrez, vous irez un peu mieux.
Sinon vous pouvez aussi épouser votre banquier (banquière) pour ne plus craindre ses coups de fil, habiter chez elle (lui) pour ne pas avoir à acheter un appartement, aller dans des petits gîtes sympas plutôt que dans des hôtels soi-disant de standing, vous déplacer en bus (maintenant à Nouméa ils sont climatisés) pour éviter les crises de nerf au volant, et faire du sport pour vous détendre, éviter de tomber malade et de passer trop de temps devant la télévision.
Par contre il faudrait vraiment voter différemment. Ce que nous avons voté la dernière fois a fichu la pagaille, il est temps de changer.
Bravo pour ce texte super bien écrit et qui m’aura fait sourire, même si je ne suis pas d’accord avec tout.
Un petit coup de fraicheur, ça ne fait pas de mal…
Meuh non, c’est pas à chier…..et c’est très drôle, en plus !
Article a Chier
Non, il y a des passages qui m’ont bien fait rire.
La vérité (sur la Calédonie) est parfois dans le cynisme et la dérision.
Va y… mais après le café….
voila un bon coup de gueule pour démarer la semaine bien comme il faut !!!!!!!!!!