La colonne cérébrale de Franck

Il y aura toujours un accord pour repousser l’indépendance

13/10/2013

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Le désir passionné de liberté de tous les peuples dépendants est une quête noble que je respecte, seulement, je trouve que l’idée d’indépendance de la Nouvelle-Calédonie semble présentement aussi vieillissante que la génération qui l’a portée dans ce monde qui bouge tout le temps et trop vite. Derrière cette idée, il y a cependant une réalité, celle d’un peuple qui se conçoit comme différent de ses compatriotes français, et cette réalité n’est ni morte ni vieillissante, même si elle est aussi menacée de bien des manières. Alors que faire maintenant ?

Après l’enterrement du Rassemblement UMP et devant l’agonie des partis indépendantistes originels, les nouveaux partis, poussés par des sondages qui font rêver, viennent à peine de sortir de leur nid. Avec la mise entre parenthèses de l’idée d’indépendance jusqu'en 2014, 2018 ou encore 2022 comme le stipule l'Accord de Nouméa, on ne peut pas dire qu'on nous offre une voie consistante de renouveau. En tout cas, l’électorat calédonien, lui, semble loin d’avoir fait son nid avec un quelconque mouvement politique, pas plus qu’il ne l’avait fait véritablement lors des élections provinciales de 2009. Ce même électorat, qui va surement jeter Pierre Frogier aux poubelles de la politique, le verrait bien prendre sa retraite. Les électeurs continuent de regarder Philippe Gomès d'un drole d'oeil et observent attentivement l'emmergence de ces nouveaux partis avec qui il faudra compter lors des prochains scrutins.

Pour en revenir à la question de notre indépendance, il faudrait d’abord se demander pourquoi nous ne l’avons jamais vraiment choisie. Peut-être étions-nous suffisamment conscients du fait qu’il était plus intéressant pour nous de faire partie du groupe dominant au sein d'un grand empire plutôt que de risquer d’être relégués à la classe des exclus ou des dominés. Bref, il faudrait peut-être qu'un jour nous soyons tous conscient que notre identité nationale avec un grand N est bien plus lourde que notre identité calédonienne, et parce que l’une et l’autre ne peuvent que cohabiter dans l'état actuel des choses. La question de l’identité est au cœur même du problème soulevé dans mon article. Or, pour l’espèce humaine, le fait de créer des identités culturelles distinctes de celles des voisins est aussi fondamentale que le fait de parler. Or nous ne serons jamais une espèce unilingue et uniforme. Si les circonstances nous permettent d’accéder à l’affirmation politique de notre identité calédonienne sans avoir à subir les conséquences néfastes de l’exclusion ou de la marginalisation avec l'indépendance pure et dure, alors nous aurons fait un grand pas. La France doit faire de la Nouvelle-Calédonie un Pays à part entière avec son nom, son drapeau, son hymne, sa devise mais ne doit en aucun cas l'abandonner comme une pirogue à la dérive au beau milieu du pacifique.

De toutes manières les identités ne disparaissent pas facilement : elles ne font que se déplacer dans une hiérarchie des identités. Elles peuvent s’additionner mais pas se soustraire. Sauf en cas de génocide. Dès lors, il est tout à fait possible que nous continuions encore longtemps à ranger notre identité calédonienne derrière nos identités métropolitaines, tahitiennes ou wallisiennes mais je doute que nous puissions faire le choix de disparaître pour nous fondre dans une seule identité qu'on nous obligerait à prendre. Etre français nous suffit largement…

Je veux bien qu’à court terme, nous cessions de débattre en permanence de constitution ou de référendum mais cela ne signifie pas que rien d’autre n’est possible. Alors quoi faire ? D’abord, préserver et surtout promouvoir l’usage du français car quoi qu'il arrive, nous parlerons toujours français sur cette terre de Nouvelle-Calédonie. Ensuite, continuer à développer une culture et des institutions qui s’inspirent de notre âme collective et qui lui donnent une expression, de façon à alimenter le dynamisme culturel qui pourra inciter les immigrants à participer à un projet commun de société. Arrêtons de stigmatiser l'arrivée de nouveaux immigrants car c'est bien dans la diversité qu'on construit un pays fort. (Regardez un peu le monde autour de vous…). En même temps, continuons à conquérir notre autonomie dans tous les domaines : économie, diplomatie, énergie, arts, finance, systèmes sociaux, etc. Enfin, sur le plan strictement politique, faire élire au sein de nos institutions, des hommes et des femmes qui priorisent ces axes de développement. Et au niveau national, ne surtout pas refaire l’erreur de militer dans la construction d’une utopique Nouvelle-Calédonie qui serait multiraciale et multiculturelle dans un monde de bisounours, tel que l'Accord de Nouméa nous en a fait miroiter le rêve. Non, sans conteste, il y aura un autre Accord après celui de Nouméa car ce dernier n'est déjà plus adapté à ce qu'aspire une bonne majorité de calédoniens, il n'est plus adapté aux réalités d'aujourd'hui. Pourquoi pas l'Accord de Cassini ? J'vous dis ca car j'y pense de plus en plus. Un accord qui reprendrait les grandes lignes de l'Accord de Nouméa (car il est perfectible), et qui garantirait un avenir serein pour tous les habitants de ce pays sans exclure qui que ce soit.

Si nous ne faisons rien de nouveau, alors l’indépendance viendra. Et si elle doit venir, elle viendra comme un couronnement, alors que nous pensions qu’elle devait servir d’instrument pour fabriquer la société qui nous ressemble. Et elle pourrait bien venir de notre vivant, j'en suis absolument convaincu