Chauchat, le fouteur de bordel

Tous les lundis, puisque Franck m’en a donné l’autorisation, je me fais normalement une joie de répondre au billet doux d’Elisabeth Nouar. Mais cette semaine, je m’offre un autre combat, beaucoup moins drôle celui-là. Car si la sémillante Elisabeth nous inflige toutes les semaines ses éternelles rodomontades contre ceux qui n’ont pas l’ire de lui plaire, elle a au moins le mérite de le faire sur une ligne acceptable, voire même respectable : celle du débat d’idées. Et même si elle le fait avec l’argent du contribuable, on ne peut lui reprocher d’avoir jamais outrepassé la ligne du raisonnable. Celui qui ne veut pas l’écouter – ou plutôt la subir – n’a qu’à changer de station.

Mathias Chauchat est d’une autre espèce. A l’aune de la haine, de la colère et du ressentiment qu’il a su faire naitre dans notre pays, il mérite bien qu’on lui accorde un peu de notre temps. Car Chauchat n’est rien de moins que le Pisani de notre époque : un fouteur de bordel.

Hier soir, pour tout vous dire, je discutais avec une amie d’enfance. Une amie de Thio. Elle y est née, y a grandi et y a travaillé. A cette simple information, on peut savoir de quel bois elle est faite, à quel point son caractère est trempé et combien elle mérite mon amitié. Or, la semaine dernière, comme 6000 autres, elle a reçu cette lettre affreuse. Une lettre signée par le tribunal de première instance de Nouméa qui l’informait de sa possible radiation des listes. Il faut comprendre ce que c’est pour ces citoyens ordinaires de recevoir une lettre du tribunal, eux qui n’ont jamais fichu les pieds dans une salle d’audience. Car ce que le calédonien moyen sait de la justice, il l’a vu uniquement à la télé.

Cette lettre lui disait que des gens qu’elle ne connaissait pas (dont Chauchat), qu’elle n’avait jamais vus et dont elle n’avait jamais entendus parler voulaient lui ôter son droit de voter. Qu’elle était “radiée”. La petite fille de brousse, aujourd’hui mère de famille, était subitement jugée par certains extrémistes – pour reprendre la célèbre expression d’un autre connard – comme étant ” pas d’ici “.

Incapables de convaincre les Calédoniens, incapables de présenter un projet viable, incapables de gagner les cœurs, les âmes ou les urnes, les indépendantistes jouent cette année leur va-tout : essayer d’exclure des milliers de non-indépendantistes des listes électorales et, devant leur échec programmé, contester ensuite les résultats électoraux qui les montreront encore une fois comme minoritaires. L’exclusion et le bordel sont en marche et comme toujours ils ont eu besoin d’un maitre d’œuvre, d’une cheville ouvrière, d’un serviteur dévoué, d’un Eichmann aux petits-pieds.

Cet homme, c’est Chauchat.

Un roman ne suffirait pas à expliquer comment cet homme cultivé, intelligent, diplômé, pédagogue, a pu à ce point, en seulement quelques années, se fourvoyer dans un combat juridiquement contestable, politiquement stupide et moralement inacceptable. Savoir que le milieu politique de notre pays peut conduire un individu lambda à devenir un petit tortionnaire dépourvu de conscience n’augure rien de bon pour notre avenir.

Ce week-end, alors que sur les réseaux sociaux et qu’à juste titre certains condamnaient le « flicage » et le « ciblage » d’opposants politiques parmi les 6000, alors que d’aucuns jugeaient scandaleux qu’une poignée soient – par Mathias Chauchat lui-même – personnellement traqués, poursuivis et attaqués devant le tribunal, l’actuel conseiller spécial du président du congrès, Roch Wamytan, s’étonnait naïvement sur son compte Twitter : « Quel mal à déposer des ciblées à titre de test? »

La raison a quitté cet homme. Il ne voit plus le mal. Il flique, il traque, il dénonce, il radie, il exclut, il insulte, il créé la peur et l’anxiété dans le cœur de milliers de gens et il ne le réalise même pas. De son point de vue, il fait simplement son « travail » consciencieusement, sans se poser de question. Son ultime interrogation de ce week-end, c’est toute la “banalité du mal” qui s’exprime en un seul tweet. Le petit rouage du système d’exclusion qu’il représente ne se rend plus compte de rien. Ni ressenti, ni culpabilité, ni remord. L’indépendantisme est devenu par lui le plus froid des monstres froids.

@LOSSERVATORECAL @SquillarioT Le TPI de Nouméa refusant les radiations groupées, quel mal à en déposer des ciblées à titre de test?

— Mathias Chauchat (@ChauchatM) April 13, 2014

Pourtant, quoi qu’il dise, la quasi-totalité des demandes de radiation seront naturellement rejetées. La grande majorité des citoyens concernés n’ayant pas pu se rendre au tribunal ou s’étant fait représenter, celui-ci ne pourra pas faire autrement que rejeter les recours. La rancœur de Chauchat n’en sera que plus grande. Il faut dire qu’il aura échoué en tout et sur tout. Il va donc continuer à ruminer, à médire et à divaguer. Tout le monde y passera : l’État, la justice, les Calédoniens, les juges, les partis politiques. Pas un ne trouvera grâce à ses yeux.

D’ici là, ce que nous avons, nous tous, de mieux à faire, c’est d’aller voter le 11 mai. Où que nous soyons, et quelle que soit notre sensibilité. Pour s’exprimer et accomplir notre devoir bien sûr, mais aussi pour montrer à cet homme et à ceux qu’il représente que leurs gesticulations sont vaines et que, tout simplement, ils ne passeront pas.

« Pour que le mal triomphe, seule suffit l’inactivité des hommes de bien » Edmund Burke