Validée par le Conseil Constitutionnel une semaine plus tôt, la loi organique qui organise la procédure de destitution du Président de la République vient de paraître au journal officiel. De quoi inspirer notre statut calédonien ?

Cette loi organique, numérotée 2014-1392 pour les amateurs, est l’aboutissement d’un long parcours initié par Jacques Chirac lors de la réforme de la Constitution en 2007, laquelle avait surtout permis d’inscrire l’irresponsabilité pénale du Président en exercice dans le marbre de l’article 67 de la Constitution. Il s’est en effet écoulé plus de deux ans et demi entre l’adoption du texte par les députés en janvier 2012 et le vote des sénateurs en octobre 2014.

La loi organique ainsi adoptée prévoit qu’il faut au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat pour déclencher la procédure qui conduira à la réunion du Parlement en « Haute Cour ». La proposition de résolution en ce sens doit ensuite être adoptée par chacune des deux chambres à la majorité des deux tiers de leurs membres. C’est cette Haute Cour, composée de 22 membres issus des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui statuera sur la destitution du Président, à la majorité qualifiée de deux tiers également.

Responsabilité à l’américaine.

Cette procédure, nouvelle en droit français, n’est pas sans rappeler celle de « l’impeachment » américain notamment utilisée à l’encontre de Bill Clinton en 1998 lors de l’affaire Monica Lewinsky. La question qui se pose est donc : dans quelles conditions trouvera-t-elle à s’appliquer ? En effet, l’article 68 de la Constitution indique que le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Or, en l’absence de définition précise de ces devoirs, cette formulation donnera certainement lieu à des interprétations variées que les spécialistes du droit constitutionnel s’empresseront de discuter…

On peut dès lors s’interroger : la célèbre sentence « Casse toi, pauvre con ! » assénée par le Président Sarkozy à un visiteur du salon de l’agriculture en 2008, suffit-elle à caractériser un manquement à son devoir de réserve, ou d’exemplarité ? De même, la liaison motocyclée du Président Hollande avec Julie Gayet, malgré son concubinage par ailleurs notoire avec Valérie Trierweiler, remerciée depuis pour ce moment, est-elle un manquement à un devoir de fidélité du Président envers ses amantes, lequel manquement serait incompatible avec l’exercice de son mandat ? Pour reprendre le parallèle avec Bill Clinton, rappelons que ce n’est pas la liaison extra-conjugale qui lui était reprochée, mais le parjure devant le grand jury c’est-à-dire le fait d’avoir menti dans l’affaire Lewinsky.

Et en Calédonie ?

Plus près de nous, il n’est pas inintéressant de s’attarder sur les possibilités de mise en œuvre de la responsabilité des membres de l’exécutif calédonien par notre “parlement local”. Ainsi, un cinquième des membres du congrès peut proposer le vote d’une motion de censure qui doit être adoptée à la majorité absolue des membres, soit 28 voix, selon l’article 95 de la loi organique de 1999. Ce vote ne fait toutefois pas de distinction puisqu’il fait tomber l’ensemble du gouvernement collégial.

Par ailleurs, l’article 130 prévoit que le gouvernement lui-même peut mettre fin aux fonctions d’un de ses membres, sous réserve de l’accord du groupe d’élus qui a présenté la liste sur laquelle il a été élu. Autant dire que l’exercice de cette faculté semble difficile. Alors, rêvons que la procédure de destitution nouvelle soit transposée, et que le congrès puisse voter le départ d’un membre du gouvernement « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Et imaginons :

-Peut-on considérer que l’alcoolisation massive lors d’un diner sanglant dans un restaurant soit manifestement incompatible avec le mandat de membre du gouvernement ?

-L’utilisation d’un véhicule automobile à des vitesses largement excessives est-il manifestement incompatible avec l’animation du secteur de la sécurité routière ?

-Les multiples mises en examen dans des affaires délictuelles et notamment financières sont-elles manifestement incompatible avec le mandat de président du gouvernement ?

A vous de juger.

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Bigfoot

Hollande le socialo….. juste pour rappel pour ceux qui auraient  loupé les infos internationales… Monsieur aura 36000 Euros par mois pour sa retraite, soit… 4.3M xpf/mois. Avec 5 ou 6 mandats, çà aide. Voilà ! 

julienjoseph

Destituer c’est bien, mais pour mettre qui à la place…?

Tomatoketchup

Joli coup , comme il ne pourra être destitué dans sa mandature et qu’il est sur de ne pas être réelu , il a par contre mis un gros de batte dans les testicules des futurs présidents. ” J’serai pas réelu mais vous , vous pouvez vous faire jeter ! “. Nice shot ! (Sinon pour nous ca changera pas le pb 🙂 )

DeGaullecagou69

Doucement Tempus, bonnes initiatives de Flambie, les futurs présidents de la République ne seront plus membres de droit du Conseil Constitutionnel. C’est déjà un bon début. 

Laurent

Pour ma part, je pense qu’il faut aller bien plus loin!! Ces textes inapplicables n’ont aucune chance de responsabiliser nos “représentants”. En revanche, on pourrait imaginer qu’une pétition de 2% des électeurs déclenche l’organisation d’un referendum révocatoire pour tout élu ou fonctionnaire, au niveau de ses responsabilités (pays si membre du congres ou gouvernement, province si élu ou fonctionnaire provincial, commune…). Ce referendum pourrait n’être exécutoire que si 2/3 des inscrits (et pas des votants) se prononce pour la révocation… C’est déjà un peu plus sérieux, et ce ne sont pas les autres malfaiteurs qui s’expriment, mais les électeurs…

DeGaullecagou69

Mais quels corps électoral ? 

Laurent

Le corps électoral doit être défini préalablement, en effet.

Maender

Quelle perte pour Calédonie Ensemble si Hollande venait à être destitué… Il perdrait le soutient d’un président dont le gouvernement veut “accompagner la Calédonie sur le chemin escarpé de l’indépendance”. Quel dommage pour eux.

Samael

Laisse moi rire…

DeGaullecagou69

Si nos élus avaient le sens de la déontologie, le respect des institutions, le respect du suffrage universel, alors là ils démissionneraient de leurs pleins grés. Mais bon En terra “re publica” Kanaky nos élus n’ont pas vraiment toutes ces notions si complexe à leurs yeux pour pouvoir expier leurs fautes et démissionner, verbe qui n’ait point dans leur language, puisque s’ils l’appliquaient cela voudrait dire perdre quelques petits avantages et pas des moindres. Donc restons accroché à nos hamacs et au placard la démocratie. 

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