L’échec

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lechec

« Ne verrons-nous pas s’entre-dévorer les généraux d’Alexandre ? » c’est par cette interrogation que Mauriac avait réagi à l’annonce du départ du Général de Gaulle. Le temps lui a donné raison. Transposé trente-cinq années plus tard sur le sol calédonien il est probable que l’écrivain se serait interrogé dans des termes similaires quant à la succession de Jacques Lafleur. Voilà dix ans que ses héritiers s’entre-dévorent et leur appétit ne semble pas connaitre de fin.

Aux éliminatoires des municipales, l’électeur avait cru de bonne foi faire apparaitre un paysage politique rénové. Chez les partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, les maires réélus s’étaient engagés à ne plus solliciter les suffrages de leurs administrés pour accomplir ici d’autres taches ou succomber là à d’autres ambitions. Harold Martin chancela mais tint bon et comme un boxeur harassé incapable d’en supporter davantage il jura de ne plus remonter sur le ring. Loin d’eux et du champ de bataille, Pierre Frogier fut vaincu par contumace. Philippe Gomès, le tenant du titre, avait à peine daigné descendre dans l’arène sinon pour encourager celles et ceux qui par lui et pour lui livrèrent bataille le nez au vent, sans beaucoup de succès il est vrai, mais non sans panache. Cependant, la capitale tomba et tout demeurait possible. Car l’un de ses opposants, et pas des moindres, y subissait une large défaite. Ô combien symbolique puisqu’elle marquait la perte sinon de l’oméga du moins de l’alpha, des ambitions politiques d’un autre supplétif de Jacques Lafleur, Gaël Yanno. Son mouvement n’ayant été créé, voulu, pensé, organisé qu’autour de ce but ultime : conquérir l’une des plus importantes collectivités du territoire : la ville de Nouméa.

Une fois cet adversaire au tapis au lendemain du 30 mars, comme nous l‘avons déjà évoqué dans ces pages, un ensemble de facteurs s’entre-lassaient pour permettre à Philippe Gomès de gagner véritablement. De régner – au sens noble du terme – c’est-à-dire de lui donner les moyens d’appliquer pleinement sa politique durant les cinq ans à venir. Il lui fallait pour cela, entre autre, oublier une part de lui-même et en exacerber une autre.

La première c’est celle qui, par exemple, l’a poussée le jour du grand rassemblement de ses troupes à “faire le coq” en expliquant à qui voulait bien l’entendre que les discussions avec les indépendantistes requerraient des responsables expérimentés – entendez, lui. Qu’il ne faudrait également face à eux que des personnalités fortes – comprenez, surtout pas les deux femmes qui lui étaient opposées. Las ! Même quand il vient de jouer le grand air de la séduction auprès de l’opinion publique – comme il sut si bien le faire durant ces dix dernières années – Philippe Gomès a tôt fait de s’abandonner à ses démons familiers. Il a en effet oublié ce jour-là, alors qu’il est un fin connaisseur du panel électoral et donc de la nature humaine, que les jugements de valeur sur des opposants politiques – quels qu’ils soient – ne doivent en aucune manière être verbalisés directement d’autant plus lorsqu’ils peuvent être perçus à tort comme une muflerie.

Car tous les Calédoniens reconnaissent bien naturellement que s’agissant de l’expérience, du charisme et de la culture politique, le dirigeant de Calédonie ensemble ne boxe pas dans la même catégorie que celle de ses deux adversaires du camp non-indépendantiste. En verbalisant sa pensée, en choisissant de “stabiloter” un poncif partagé par tous, (toute vérité n’étant pas bonne à dire) il a non seulement insulté bien maladroitement deux “jeunes” femmes politiques mais il a aussi cristallisé autour d’elles une volonté de résistance qui leur a permis de galvaniser leurs troupes. Ce n’est pas sans raison que Cynthia Ligeard et Sonia Backes ont, à l’instar de Sonia Lagarde, organisé avec une certaine réussite des évènements de campagne axés sur la condition féminine et grappillé des voix de ce côté-ci.

La seconde partie de lui-même s’est révélée seulement quelques jours avant le scrutin fatidique. Too late. Beaucoup d’observateurs de la vie politique calédonienne, lorsqu’ils en viennent à s’exprimer sur Philippe Gomès, tombent dans les lieux-communs selon lesquels l’ancien président du gouvernement serait à la fois intraitable et opiniâtre. C’est bien mal connaitre l’homme et son parcours. C’est oublié qu’il a durant près de vingt ans dirigé avec succès une commune de brousse compliquée, hétérogène et aux équilibres fragiles. Peu imaginent la somme d’énergie qu’il faut aux premiers magistrats des petits villages pour échanger, discuter, répondre aux attentes de leurs administrés tout en réformant en profondeur leur collectivité.

C’est oublié que lors de son premier mandat au gouvernement il a su négocier des mois durant le « Pacte social » avec l’ensemble des partenaires sociaux et que, devant le travail accompli, face à la reconnaissance de ses adversaires politiques – y compris indépendantistes – qui mettaient en avant ses qualités de négociateur, Jacques Lafleur l’a désavoué avant de le remercier quelques semaines plus tard. C’est ce Philippe Gomès là qui, dernièrement, a livré son message de dialogue et d’apaisement en souhaitant « tendre la main » aux autres formations politiques après que les électeurs aient marqué leur préférence. Trop tard. Les scissions anciennes et les batailles de clocher du Nord avaient déjà fait leur ravage auprès d’une partie de l’opinion. L’homme de dialogue est apparu seulement à la fin du dernier acte lorsque les spectateurs s’étaient déjà fait une idée de la pièce.

En le plaçant premier mais tributaire de ses seconds, le peuple vient donc de manifester juste autant qu’il le fallait une royale ingratitude après ses trois années d’opposition pugnace. Philippe Gomès sera le plus influent des leaders non-indépendantistes, il ne sera pas l’incarnation de la Nouvelle-Calédonie. Il ne régnera pas. Il ne pourra pas appliquer son programme, n’en doutons pas. La légitimité de son pouvoir sera celle d’un puissant et d’un influent. Ni plus ni moins. C’est assez pour être un Solon, trop peu pour devenir un Lafleur. Le chèque en blanc que Philippe Gomès avait reçu du peuple y a deux ans, par la grâce d’un scrutin à deux tours, vient de lui être refusé dans des conditions que lui-même sans doute n’imaginait pas. Trop rompu à la chose publique, il sait bien que cette victoire n’est qu’illusion.

La perte de terrain de l’ennemi Frogier, cette prise de position massive contre le Rassemblement et ses alliés dans la capitale et ailleurs, c’est la lente désaffection pour un système politique dont les engrenages tournaient à vide, quand ils ne se bloquaient pas complètement. La volonté de changement était si forte de ce côté-là, si profonde, que malgré les tentations d’un radieux soleil de mai, elle a fait reprendre le chemin des bureaux de vote à beaucoup de Calédoniens qui voulaient depuis longtemps s’en écarter et ramené à l’unisson une fraction non négligeable de l’électorat indépendantiste. La légitimité du nouveau pouvoir gomésien est ainsi fondée sans éclat, et l’étendue de ce pouvoir n’a provisoirement d’autre limite que la sagesse d’une poignée d’hommes qui, à une écrasante majorité, le détestent tous.

Pouvoir illimité en cas d’alliance et cependant précaire face aux désunions qui adviendront inévitablement dans la famille non-indépendantiste. Même si, au fond de son cœur, Philippe Gomès ne trouve pas la mariée très belle, il sait que son échec n’est pas tant le sien que celui de l’organisation des pouvoirs et des élections en Nouvelle-Calédonie. Parions dès aujourd’hui que s’il ne peut ignorer ni l’ambiguïté d’un scrutin complexifié à l’extrême, ni le poids écrasant des responsabilités qui pèsent désormais sur lui, ni la versatilité de ses compatriotes, tout lui enjoint de travailler ces prochaines années à une modification des règles institutionnelles qui par la simple existence d’un gouvernement collégial empêchent la mise en œuvre d’une politique cohérente et efficace au service des habitants d’une Calédonie toujours plus autonome au sein de la République.

D’ici là, jugeons que les expériences de 2004-2007 lui ont appris que les élections législatives ne sont pas toujours aussi brillantes que les provinciales qui les ont immédiatement précédées. L’expérience de l’Avenir Ensemble a dû lui apprendre ce que valent le désintéressement et la fidélité de thuriféraires empressés. Il sait enfin que ce peuple calédonien trop heureux en temps de crise de se décharger de toutes les responsabilités sur l’homme qui les sollicite, reste passionnément attaché aux lois non écrites de la liberté et de la dignité humaine. Que la crise économique se prolonge, que cette liberté et cette dignité soient de plus en plus compromises, que le futur institutionnel s’embrume, que les charges financières et budgétaires aillent s’alourdissant, sans que se poursuivent les avancées qu’il faut bien mettre au crédit des mandatures défuntes, et le pendule une fois de plus inverserait violemment la course. En signant le chèque à de nombreux mandataires, les Calédoniens dont les vœux restent largement contradictoires ont affirmé leur confiance et leur espoir. Mais il n’y a pas, il n’y aura pas de miracle.

SIRIUS

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Christophe

C’est clairement un échec pour tout le camp non-indépendantiste, y compris pour Gomés qui se retrouve dans la pire configuration car il ne peut strictement rien faire seul. Il devra composer avec les autres partis non-indépendantistes qui existent toujours, n’en déplaise aux courtisans de Gomés. Calédonie Ensemble à en fait raté l’objectif d’une majorité abolue à la province Sud, qui l’aurait rendu incontournable. Ce n’est pas le cas aujourd’hui… Donc la victoir a quand même un vague goût d’inachevé…

Floyd

Ca se voit, SIRIUS est toujours en campagne électorale, certainement en préparation pour une liste de fusion UCF/FPU au 2° tour annoncé des provinciales dans le sud. Finalement, Wamytan est un bon allié objectif de la bande Frogier/Yanno. Tombe à point ce recours en annulation, n’est-ce pas?

movieworld

Trop long, trop chiant …..dsl

Mimine de VOH

Méfiez-vous, même quand elle se veut “intellectuelle”, elle rend sourd ! Il n’y a pas de miracle.
Après le mur de Planck… faut vous mettre au vert, mon pauvre Sirius !

Floyd

Article aussi pisse vinaigre que inutile. A l’heure où on cherche l’union sacrée entre non-indépendantistes, certains comme SIRIUS continu de semer les graines de la division et de la discorde. C’est nul, c’est contre productif et c’est dangereux à la veille des échéances capitales pour le Pays.

SIRIUS franchement ……..GFY

Melb

@Sirius:
Eh mais j’aime bien !!! cela me semble assez juste, surtout quand tu dis: ” Il ne règnera Pas. Il ne pourra pas appliquer son programme. N’en doutons Pas.” Je n’en doute pas!!!
Allez Tal un peu!!

Floyd

Concernant Calédonie Ensemble on parle du mur de Planck, de l’Echec et maintenant seul un Miracle peut sauver ce parti. Ben voyons. MDR.

Manu Point de départ

Et pourtant Floyd, l’analyse de Sirius est très juste. La seule chose que j’ajouterai, c’est concernant la dernière phrase: “Il n’y aura pas de miracles”.
Il n’y aura pas de miracle pour Gomès , parce que tous les miracles qui se réalisent en NC depuis 10 ans au bénéfice du peuple, Gomès les as écrasé du pied…alors forcément les miracles, car il y en aura d’autres, seront au détriment de Gomès.

Inforétif

“alors forcément les miracles, car il y en aura d’autres, seront au détriment de Gomès.”

et donc, Manu, quand on connait vos immenses pouvoirs en terme de mortalité sur les routes et rues, Gomès a pas intérêt à traverser en dehors des clous.

Eric

Faut être croyant pour qu’il y ait un miracle et moi je ne suis pas croyant… Comment on fait ???

Manu Point de départ

La force d’un miracle, c’est bien qu’il ne soit pas réservé aux seuls croyants. La force de tous les miracles dont je parle c’est qu’ils peuvent être étudiés par des gens très cartésiens…comme des magistrats par exemple!

Inforétif

” La force de tous les miracles dont je parle c’est qu’ils peuvent être étudiés par des gens très cartésiens…comme des magistrats par exemple!”

L’ennui pour vous, Manu, c’est que ces magistrats étant cartésiens, leurs conclusions sur ces “miracles” et leur modeste auteur sont totalement prévisibles et sans appel…

Mouton Noir

Amen.

Floyd

Euh SIRIUS, ton mur de Planck est entrain de se transformer en mur des Lamentations ou quoi?
Il est temps que tu fasses une petite téléportation vers le monde réel, non parce que là tu commence à nous faire du Rigoberto, mais en plus intéllo.

Mimine de VOH

Plus intello que Rigoberto, c’est très facile. Il n’y a qu’ à se servir de son cerveau.

Rigoberto

Mais t’es toute excitée ma Mimine, t’aurais pas quelques poussées hormonales ?

Les résultats de CE semblent avoir produit un effet bœuf sur ta libido…

Arrête tes compliments ça en devient gênant.

Rigoberto

Pas SM pour deux sous, il s’agissait du gourdin dans sa housse (Gainsbarre).

Floyd

Amateur de SM le Rigo?

Rigoberto

Gourdin matin midi et soir, t’es volontaire pour administrer le traitement Floyd ?

Floyd

Un diagnostic en ligne? Ah bon ! Tu pourrais aussi lui faire une petite ordonnance en vitesse, non?

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