UN DEBAT DANS LE BOUDOIR

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caledosphere- Loueckhote- yanno

Bien qu’un peu passé inaperçu, un débat essentiel opposa tout récemment Gaël Yanno à Simon Loueckhote dans les colonnes de DNC, l’hebdo gratis du vendredi de madame Lafleur. Eu égard à la personnalité hors-norme des deux protagonistes, on pouvait légitimement s’attendre à une martiale confrontation d’idées, une lutte pugnace où chacun développerait son argumentaire, défendrait pied à pied son idéal politique, bref, une belle et authentique joute, telle que celles, légendaires, qui opposèrent Achille à Hector, Horaces aux Curiaces, Thésée au Minotaure, Ali à Frazier. En fait de duel, ce fut plutôt Roger Hart et Donald Cardwell dans une gentille mise en scène lénifiante, voire Dorante et Araminte dans un aimable marivaudage de quelques Fausses Confidences à la pause-café. En premier lieu, tous deux affirmèrent que l’union du camp non indépendantiste était nécessaire, tout en constatant qu’ils souhaitaient la faire chacun de leur côté. Constituer une union séparée, avouons que le concept est novateur.

Ils devisèrent ensuite sur un mode doux-amer, l’un reprochant à l’autre de ne pas l’avoir convié aux quelques réunions qu’il avait organisé dans le but de réunir, justement. Il y eut aussitôt amende honorable, avec promesse mutuelle de s’inviter à tous les prochains goûters politiques. Dans cette ambiance compassée, à tu et à toi, d’une urbanité exquise, où la forme prévalait sur le fond, on a perçu que la personne de Pierre Frogier n’était évoquée qu’avec une circonspection extrême, comme si les deux interlocuteurs avaient craint qu’il ne se matérialisât soudain devant eux telle la statue d’un commandeur sourcilleux. Pourtant, il n’était guère difficile d’imaginer, qu’au moins virtuellement, derrière monsieur Loueckhote, il se tenait, tel un sombre et funeste corps céleste contemplant la gravitation d’un des ses satellites. De la même façon, au reste, que lors des dernières élections à la Présidence du Congrès. D’ailleurs, c’est sans doute dans ce même esprit tutélaire que monsieur Frogier avait fait l’insigne honneur à son prédécesseur au Sénat, nous apprit ce dernier, de lui confier sous forme de quelques feuillets A4, son opuscule ébauché. Au passage, notons que la vertu principale de l’expression écrite d’une pensée minimaliste est d’épargner nos forêts…

Nous bénéficiâmes d’un moment de grâce, celui où monsieur Yanno, tel le Petit Prince de Saint-Ex s’étonnant de la présence d’une nouvelle planète dans son champ orbital, fit part de sa découverte toute récente des Iles Cook, citées pourtant depuis 3 ans comme modèle indépendant-associatif par les théoriciens juristes institutionnalistes rumpistes qu’il a côtoyé pendant des lustres.

Il y eu également quelques interrogations sur l’ordre des choses, à la manière de celles ayant trait à l’oeuf et à la poule, qui étant à l’origine de quoi, Simon Loueckhote affirmant qu’il convenait de se choisir d’abord un chef de projet, Gaël Yanno proposant que fut défini au préalable un programme. Question essentielle à n’en point douter, plus essentielle semble-t-il à leurs yeux que celle du quotidien des Calédoniens, vie chère, logement, enseignement, emploi, sécurité, puisqu’aucun de ces sujets ne fut jamais évoqué.

Une brève opposition sémantique anima néanmoins l’échange. A monsieur Loueckhote qui manifesta le souhait que la Calédonie demeurât  » très, très près de la France « , le premier adjoint au maire de Nouméa, rétorqua qu’être  » près « , ce n’est pas être  » dans « , évidence qu’il a sans doute redécouverte dans la Théorie des Ensembles. Ainsi, monsieur Yanno nous apparut-il sous les atours volontaristes d’un hussard de la République, rôle qu’on aurait aimé le voir tenir lorsqu’il s’était proposé de lever sur la mairie de Nouméa l’oriflamme du FLNKS. Monsieur Yanno nous dit dans cette même interview que les mots ont un sens. On lui rétorquera que les actes aussi.

Calcyt

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Bien connu des internautes, Calcyt officie sur le blog depuis des années. Ses tribulations et ses prises de positions progressistes et mesurées teintées d'un humour matois ont toujours eu beaucoup de succès sur la toile, au grand dam de ses nombreux détracteurs. Ce loyaliste est particulièrement connu sur les réseaux sociaux pour ses écrits sur "Les aventures du petit Nicolas", une satyre du monde politique calédonien à la méthode "Sempé". Cité par la rédactrice en chef de RRB, Elisabeth Nouar, dans une de ses chroniques, Calcyt est l'un des "Sept salopards du net"