Le venin du crotale

Elle est bien incertaine la Calédonie du 12 mai… Surtout depuis que l’électorat loyaliste, un peu effaré, découvre que ce jour-là les indépendantistes pourraient se retrouver majoritaires au Congrès, avec accès direct à la présidence du gouvernement. Elle est bien incertaine, car va arriver aux affaires une cohorte de nouveaux venus, majoritairement inexpérimentés à la chose publique et totalement ignorants de la manière dont vont s’enclencher les choses pour l’avenir. C’est d’ailleurs assez étonnant que d’attaquer la si importante dernière mandature de l’accord avec ces élus-là.

Mais ce renouvellement était nécessaire. La vieille garde aux affaires depuis si longtemps s’est quand même largement disqualifiée, incapable de proposer un avenir au pays, sinon en octroyant avec largesse et sans aucune contrepartie aux indépendantistes, l’obligation de reconnaître le drapeau Kanaky comme l’emblème du pays. Les gens du RUMP et de l’UCF voudraient bien faire oublier cette tragique turpitude, mais les faits sont têtus et l’erreur était grave.

Frogier et les siens, incluons-y Yanno, nous ont fait croire que le drapeau allait permettre l’ouverture d’un nouveau dialogue avec le FLNKS et que ceux-ci au bout du compte consentiraient à l’ultime concession. Il suffit d’engendre Wamytan sur RRB pour comprendre qu’ils nous ont fourvoyés. Cette erreur est d’autant plus tragique, et Frogier devra un jour comparaitre devant le tribunal de l’histoire calédonienne, qu’elle a conduit à l’irrémédiable division du camp loyaliste. Ne nous laissons pas abuser par les journalistes à la courte vue qui ne voient dans l’éclatement de notre camp qu’une « bataille d’égos ». Le drapeau et tout ce qui en découlé ont créé une fracture irréparable… Partisan de la Calédonie de la France, je ne peux composer avec ceux qui ont commis cette faute et qui nous font toujours croire qu’elle était nécessaire.

Ma Calédonie, dans le ciel de laquelle flotte un drapeau dans lequel je ne peux pas me reconnaître, n’est pas celle de Frogier et consorts. Elle ne le sera jamais. Les petits marquis du Rump et de l’UCF veulent faire croire que ce débat est aujourd’hui dépassé. Ils cherchent au travers de slogans idiots comme « Ensemble nous pouvons », que l’ont est passé à autre chose… Ne nous faisons pas avoir.

Entre 1988 et 1998, Lafleur n’a eu de cesse d’affaiblir le FLNKS. Il y était presque parvenu, semant la discorde, empêchant le FLNKS de se doter d’un président, et lui enfonçant une épine dans le pied via la FCCI. Frogier et son drapeau ont offert un boulevard au FLNKS, lui donnant à la fois une nouvelle espérance et une force accrue, et cela en échange de rien. Qu’avons-nous en effet gagné du drapeau ? Ne cessons jamais de nous poser la question et je ne peux m’empêcher de penser que Frogier en a conscience qui évite avec soin de confronter ses erreurs à la sanction du suffrage universel. Alors oui, cette affaire m’obsède, car je sais qu’elle a distillé dans nos veines un poison plus mortel que celui du crotale et qu’elle nous conduira peut-être à notre perte.

Caton