Qui n’en veut de la charte du sénat coutumier ?

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Généralement, c’est à ce qu’en pensent les idiots qu’on peut rapidement se faire une idée d’un sujet. S’agissant de la Charte du Peuple Kanak, diffusée la semaine dernière, le fait que l’inénarrable Jean-Louis Veyret se soit exclamé à son propos : « Grâce [à elle] nous allons pouvoir donner à notre jeunesse des repères et des références ! » m’a fait tressaillir. Tous aux abris, me suis-je dit.

Des « repères et des références » selon le président de l’association des pionniers ? Je m’attendais au pire. J’ai donc lu la dite charte et… je n’ai pas été déçu. Il faut dire que tout ce qui constitue le petit monde médiatique et intellectuel (sic !) local fait depuis une semaine la promotion à tout berzingue de ce Socle Commun des Valeurs et Principes Fondamentaux de la Civilisation Kanak. Notons au passage que chacun des termes présents dans le titre est doté par ses auteurs d’une majuscule ce qui dénote chez ces derniers une certaine propension à la forfanterie outrancière. Mais ce n’est pas le plus grave.

Ce qui ressort principalement de ces 36 pages de document – que personne ou presque n’a lu et encore moins ceux qui en parlent – c’est une volonté affirmée de vouloir à la fois réécrire l’histoire et le présent. Heureusement que tout cela n’est pas très sérieux car on pourrait – si on avait la malchance d’habiter en Nouvelle-Calédonie et la folie de vouloir continuer à y vivre – s’en inquiéter. Après une lecture attentive, plusieurs impressions s’en dégagent.

Passons sur la merveilleuse introduction (vraisemblablement écrite à plusieurs en regardant les étoiles après une soirée arrosée) selon laquelle « les populations mélanésiennes ont une vision du cosmos ». Disons-le clairement, l’auteur doit être un fan des Chevaliers du Zodiaque et il s’est fait plaisir (tu le sens, toi aussi, bruler mon cosmos ?) Plus sérieusement (page 4) la charte nous dit que « le peuplement de la Grande Terre et des Iles s’est fait naturellement au cours de ces trois derniers millénaires ». Les auteurs partent donc du principe que le peuplement du reste du monde ne s’est pas fait, lui, dans l’ordre naturel des choses durant cette période. Plus loin (page 13), les auteurs stipulent que « les récits de contes, de légendes et de mythes évoquent les guerres entre clans lesquelles ont ponctué toute l’histoire des territoires ». Il faut donc en conclure que les différentes guerres ont été un élément « naturel » ayant ponctué le plus normalement du monde le peuplement et l’histoire du pays. On va pas épiloguer, le lecteur comprendra de lui-même que c’est la colonisation qui n’était pas « naturelle ». Les « guerres entre clans » étant, elles, parfaitement acceptables du point de vue philosophique.

Moralité : la guerre, c’est naturel. La colonisation, c’est caca.

Toujours sur l’incohérence, l’image du rôle de la religion sur la culture kanak est drolatique. Il est expliqué (page 4) que s’agissant des « religions à la fois catholique et protestante, elles n’ont pas fondamentalement remis en cause l’organisation sociale établie ». Il faut donc en déduire qu’après l’arrivée de la religion, tout comme Julio Iglesias, le pays n’a pas changé. Dont acte. Cependant (page 8), les auteurs nous disent que « les religions chrétiennes » et « l’Etat colonial » ont tous deux « portées atteintes à la coutume et aux pratiques sociales du monde Kanak ». On comprend bien que l’immense majorité des kanak étant croyants et/ou pratiquants, il ne fallait pas trop pour l’auteur attaquer la sainte mère l’Eglise mais comme c’était trop difficile, ils l’ont fait quand même un petit peu, histoire de.

Moralité : l’arrivée de la religion n’a rien changé (en fait si mais on le dit très vite) et la colonisation, c’est toujours caca.

Second sentiment à se dégager – plus grave celui-ci – l’irréalisme béat ou les affronts aux sociétés démocratiques. Florilèges :

 « Nous avons décidé [de]doter le Peuple Kanak d’un cadre juridique supérieur » (page 9)

Supérieur à quoi ? Aux lois existantes ? Ouvrez les fenêtres, ça sent le soufre…

Il faut « passer par la maîtrise raisonnée des outils modernes de développement et de communication » (page 21)

Explication : fini le site Youporn pour les ados kanak. Facebook pareil. Ça leur apprendra.

« Chaque individu Kanak détermine librement le niveau de sa participation au sein des institutions de l’État à travers l’exercice de ses droits de citoyens » (page 24)

Explication : je comprends pas trop cette phrase, ou plutôt, j’ai peur de la comprendre…

« La société Kanak est une société patriarcale. Son système social fonctionne à partir d’une transmission des droits, des pouvoirs et des responsabilités basées sur l’homme » (page 17)

Explication : vos gueules les filles. A la cuisine et plus vite que ça.

«Toute participation ou coopération du Peuple Kanak et de ses composantes ne pourra plus désormais se concevoir qu’avec des institutions respectueuses des principes et valeurs affirmés dans la présente Charte » (page 24)

Explication : ça mon bonhomme, ça s’appelle avoir le souci du PARTAGE et du DIALOGUE.

On pourrait encore en rajouter, sur les revendications foncières (ça n’arrêtera donc jamais ?), la souveraineté sur les ressources minières, l’éducation des enfants, le rôle des femmes, les relations extérieures, l’inaliénabilité du pouvoir des chefs coutumiers, etc… Mais comme ce genre d’écrits serait fastidieux à écrire et encore plus à lire, je terminerai simplement par une analyse toute personnelle :

Une société prônant le maintien de la féodalité, de la soumission de la femme par l’homme, d’un droit des uns supérieur à celui des autres basé sur des critères ethniques ou sexuels, la solidarité mécanique niant l’individualisme et le droit inné des humains à s’épanouir selon leur envie, leur rêve ou leur volonté propre constituent les ferments d’une société totalitaire.

Finalement, la seule question à se poser est simple : qui voudrait encore vivre dans une telle société ?