PLAIDOYER POUR LA RECONSTRUCTION DU VILLAGE KANAK EN VILLE

Vous, je sais pas, mais moi y’a un truc qui m’est resté en travers, c’est l’histoire du petit village Kanak en ville…Et puis je sais, on va m’accuser de ranimer des querelles en partie oubliées.

C’est un petit post récent de Néhimro qui m’a tiré l’oeil, il ya quelques jours, et qui m’y a fait penser à nouveau, dans lequel il écrivait: ” Et où sera ce fameux village mélanésien? Il serait bon d’y penser, mais pas de locataire dedans, tout au plus que les cases servent de boutiques pour les arts mélanésiens”.

Certes, le 1er était mal emmanché dès le départ, un projet lancé par les uns, récupéré par les autres, avec des méfiances de part et d’autre, des promesses non tenues, des problèmes de sécurité, de non conformité à toutes les règles d’urbanisme, un village kanak bâti sur du goudron, et tout ça sur fond de guérilla entre partis et entre politiques du même bord, pour ne pas arranger les choses…

On sait comment ça a tourné…Obligation par la mairie de faire respecter la légalité, et ce lamentable épisode des bulls détruisant un travail pourtant d’assez belle facture même si on pouvait faire mieux encore.

Mais ce qu’on a vu aussi, c’est un petit village constitué de plus en plus d’échoppes d’art kanak, des ateliers de sculpture, de vannerie, avec ses curieux et ses admirateurs, des touristes en particulier, mais aussi hélas, devenant un espace urbain central habité aussi par des squatteurs, des tenants un peu extrémistes de la revendication foncière, de rêveurs plus ou moins doux…

Et puis il y a ensuite l’échec des négociations pour le reconstruire ailleurs, dont on ignore en partie les causes, mais parmi lesquelles, sans doute, l’exaspération des interlocuteurs, parties prenantes de ces discussions, à dû tenir un rôle non négligeable.

Enfin, un beau gâchis!

Et pourtant c’était une idée intéressante.

D’abord parce qu’il y a une variété assez impressionnante de modèles de cases traditionnelles, dont certaines sont superbes, et donc l’idée de rassembler sur un même lieu cet habitat, pourrait donner à voir cette diversité. Et ce sont toujours les différences qui enrichissent.

Puis, parce que, suite à ça, l’étiquette de ” Nouméa la Blanche” n’a jamais aussi bien collé à notre capitale, jamais cette absence de la vitrine de l’art, de l’artisanat ou même de l’habitat kanak traditionnel mais aussi actuel et vivant, n’a paru aussi exclue de notre paysage urbain. Et pourtant en même temps, jamais cet art kanak de la sculpture traditionnelle, entre autres, n’a été aussi n’a été aussi reconnu et admiré avec cette exposition à Paris, au musée du Quai Branly qui se termine le 26 janvier.

Enfin, parce que cela permettrait de surmonter par le haut un conflit qui s’est enlisé et de donner a chacun un motif de fierté et de satisfaction, en corrigeant le tir.

Il me semble donc qu’il est temps de revoir cette copie si controversée, ce projet qui aurait dû être fédérateur mais qui n’a abouti qu’à un seul résultat, diviser un peu plus les Calédoniens.

Ne pouvons-nous pas tirer les leçons de cette expérience malheureuse?

La question, reste de savoir sur quelles bases, sur quelles modalités.

Il est clair qu’il faudrait que ce projet pris en charge par les autorités les plus représentatives. C’était, en partie du moins, parce qu’il avait été confié à des associations dont les motivations étaient confuses, que le 1er avait capoté. S’il était pris en charge, en grande partie, par les provinces Nord et Iles, encore mieux!

Le lieu d’abord. Il est évident qu’il faudrait qu’il soit central. On avait proposé le quai FED. Cela me paraît assez bien indiqué. Le village serait tourné vers les quais où débarquent les touristes et donc bien visible. Mais le débat est ouvert sur la question. Cela donnerait vie à toute cette partie du pont de Nouville, actuellement inoccupé, et d’en diversifier l’architecture.

On nous répondra qu’il existe déjà un village Kanak à Nouméa, le Centre Tjibaou. Mais outre qu’il s’agit d’une architecture stylisée, revue par un occidental, ce Centre est trop excentré.

Les principes ensuite. Comme le suggère Néhimro, ” pas de locataire dedans”. Cela supprimerait déjà une des causes du rejet du premier. Ce qui ne devrait pas empêcher qu’on puisse aussi y ouvrir un restaurant dédié aux spécialités culinaires kanak, par exemple.

Il faudrait également qu’il soit bâti dans un cadre verdoyant, comme le sont les authentiques, disposant déjà d’arbres et d’une belle végétation, ce qui est déjà moins le cas pour le site proposé.

Il faudrait enfin résoudre cette quadrature du cercle, qui consisterait à le garantir le plus possible contre les risques d’incendie. Ce n’est pas une mince affaire, je le concède, mais cela reste un problème technique.

Je persiste à croire cependant, qu’il contribuerait à cette reconnaissance d’un peuple, présent partout en ville mais à la recherche de sa dignité et de sa place dans la Cité. Peut-être cela contribuerait-il aussi à la représentation matérielle de ce destin commun, dont on parle beaucoup, mais pour lequel on fait peu.

J’espère en tous cas que ceux qui s’y opposent, n’y verront pas un projet proposé par un quelconque parti politique, puisqu’à ma connaissance, aucun d’eux n’a, jusqu’à présent, poursuivi cette réflexion, mais, au contraire, observé une prudente réserve, sur le sujet.

DIOGENE